Dans la continuité des réflexions qui ont émaillé la COP 15 qui s’est tenue en Côte d’Ivoire au mois de Mai 2022 portant principalement sur l’enjeu international majeur de la dégradation des terres en zones sèches, qui touche près de 12 millions d’hectares chaque année, le Centre d’Etude Prospective (CEP), un think tank ivoirien fondé par plusieurs intellectuels ivoiriens dont certains membres du Gouvernement a organisé une table ronde de haut niveau. Le thème principal de cette rencontre à laquelle le Président de la CGECI, M. Jean-Marie Ackah, a été convié a porté sur les approches et des orientations politiques innovantes agricoles à explorer en Afrique dans le contexte géopolitique mondial actuel.
Pour la circonstance, le Président de la Commission Economie et Diversification, M. Marc Wabi, y a représenté le Président Ackah. Il est intervenu sur «les limites des politiques actuelles en matière d’implication du Secteur Privé dans le processus de modernisation et de durabilité agricole en Afrique ».
A cet effet, il a présenté la participation du Secteur Privé dans le suivi des politiques agricoles et alimentaires notamment dans le cadre du Programme National d’Investissement Agricole II (PNIA II) pour la période 2018-2025 ainsi qu’au Plan National de Développement (PND) 2016-2020 et 2021-2025.
Wabi a relevé que les questions liées au dynamisme du secteur agricole ivoirien ont été toujours d’un intérêt pour le Patronat ivoirien. Cela se perçoit à travers sa pleine participation au développement agricole par une forte présence des membres de la Confédération Générale des Entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI) dans le l’écosystème agricole, notamment, l’UNEMAF, l’UGECI, le GEPEX, le GNI, l’OCAB et l’OMAB-CI. Il y a également qu’à travers ses Commissions Permanentes, notamment Economie et Diversification, Environnement des Affaires, Développement des PME et Financement, Entrepreneuriat national, etc, la CGECI mène des actions de renforcement des capacités des acteurs en vue de la compétitivité des entreprises, en générale, et des entreprises du secteur agricole en particulier.
Monsieur Marc Wabi expliquera au cours du panel auquel il a pris part que dans la vision stratégique à travers son étude prospective « Côte d’Ivoire 2040 », le Secteur Privé ivoirien avait prévu pour la Côte d’Ivoire son positionnement en tant que la première puissance agro-industrielle en Afrique d’ici 2020 (en volume de transformation) et une place parmi les 5 premières puissances agro-industrielles mondiales d’ici 2030.
Aussi, amorcer une révolution verte sur les 10 prochaines années est-il un impératif de la stratégie Côte d’Ivoire 2040 du Secteur Privé ivoirien.
Par ailleurs, pour matérialiser l’engagement du Secteur Privé sur la question des investissements dans le secteur agricole, la CGECI a en charge l’animation du Cadre de Concertation du Secteur Privé du PNIA regroupant les organisations patronales auxquelles s’ajoute le Centre de Promotion des Investissements en Côte d’Ivoire (CEPICI).
Ce cadre permet le dialogue entre les acteurs du Secteur Privé et le Gouvernement en vue de faciliter la réalisation leurs activités économiques et leur contribution à l’atteinte des objectifs d’investissements assignés au PNIA.
Monsieur Wabi a rappelé que, dans le cadre de l’élaboration et la mise en œuvre du PNIA, deux catégories d’acteurs non étatiques ont été prévus. En plus du Secteur Privé, le Cadre de Concertation Organisations Professionnelles-Société Civile a été également mis en place.
A cela, il faudrait mentionner que la coordination du Cadre de Concertation des PTF du PNIA est assurée par l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) et l’Agence Française de Développement (AFD).
Dans son intervention, il a indiqué les principales limites des politiques actuelles en matière d’implication du Secteur Privé dans le processus de modernisation et de durabilité agricole en Afrique et présenter les principaux challenges à relever pour renforcer l’implication du Secteur Privé ; il a noté que les recommandations du Secteur Privé sont faiblement prises en compte et celui-ci est faiblement associé à la mise en œuvre de ces politiques. Les impacts directs observés sont notamment : Des difficultés même dans l’opérationnalisation de ces politiques (lenteur d’exécution, faible mobilisation des ressources financières) ; la distorsion du marché en raison de politiques et réglementations pro multinationale
Ces impacts limitent une implication effective du Secteur Privé. L’approche « développement de chaines de valeurs agricoles » initié depuis peu par les autorités nationales pourraient être un moyen de remédier aux limites des politiques actuelles dans la mesure où le développement agricole est pensé à travers une collaboration entre des entreprises interdépendantes (producteurs, transformateurs, spécialistes en commercialisation, etc). Il en découle une meilleure appropriation des initiatives, un engagement structurel et une recherche constante d’innovation qui devraient contribuer à la modernisation et à la durabilité de notre agriculture.
Le Président de la Commission Economie et Diversification a relevé les challenges auxquels il faut faire face pour renforcer l’implication du Secteur Privé dans le processus de modernisation et de durabilité agricole
Il se réfèrera ainsi à l’étude du Livre Blanc sur l’industrialisation de la Côte d’Ivoire réalisée en 2019 par le Patronat ivoirien sur recommandation du Chef de l’Etat, M. Alassane Ouattara, qui a fait l’analyse suivante :
- L’industrie manufacturière ivoirienne, bien qu’ayant eu un taux de croissance annuel moyen de 3% entre 2007 et 2017, a une part faible dans le PIB, en baisse depuis 10 ans (12% en 2017 contre 15% en 2007) comparativement à certains pays de références (16% Egypte, 26% Malaisie, 27% Thaïlande).
- Le grand défi de l’industrie agroalimentaire est de satisfaire le marché national et d’explorer le vaste marché de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de l’Afrique à travers le marché continental (ZLECAF).
Pendant le temps d’intervention qui lui a été accordé pour instruire amplement les participants, il relèvera les défis liés à l’implication du Secteur Privé dans le processus de modernisation et de durabilité agricole en Afrique. Ceux-ci se situent dans un contexte marqué par une évolution de la population en zone urbaine en Afrique de l’ouest qui, estimée à 388 millions d’habitants en 2020, passera à 490 millions d’habitants en 2030 et 736 millions en 2050 selon les données fournies par l’UNDESA en 2011. Il en ressort que dès 2020, la moitié soit 50 % des 388 millions d’individus résidant en Afrique de l’Ouest habitera en zone urbaine. Le taux d’urbanisation atteindra 65 % en 2050 (UNFPA, 2010).
Au regard de ces données statistiques, les principaux défis identifiés par le secteur privé sont, notamment :
- Accès aux marchés régionaux et internationaux en raison de la faiblesse de la production et de l’insuffisance de la qualité des produits ;
- Partenariats entre acteurs du Secteur privé ;
- Accès aux intrants et semences de qualité et en quantité ;
- Accès au financement pour les petits agriculteurs ;
- Augmentation et modernisation des exploitations ;
- Intégration d’outils et équipements modernes de production ;
- Changement du modèle de financement, et de commercialisation du secteur (saut technologique vers la banque mobile et les bourses agricoles structurées).
Monsieur Marc Wabi a, dans la même veine, mentionné les défis qui relèvent de l’implication de l’Etat.
- Accès au foncier rural (simplification des procédures, et baisse des coûts d’enregistrement) en cohérence avec les plans de développement des filières ;
- Promotion de l’utilisation des Services Financiers numériques dans le développement agricole ;
- Renforcement de la coordination des plateformes numériques dans le secteur public pour améliorer l’environnement des affaires ;
- Poursuite de la couverture nationale de l’internet pour faciliter l’activité économique et sociale ;
- Complémentarité entre le développement des agropoles et les zones industrielles devant abriter les clusters identifiés dans le Livre Blanc sur l’Industrialisation réalisé par la CGECI ;
- Disponibilités des zones industrielles opérationnelles à Abidjan et dans les grandes villes du pays (Bouaké, Korhogo, San-Pédro, Man, etc) ;
- Structuration des filières vivrières et de productions animales et de ressources halieutiques ;
- Disponibilité des laboratoires d’analyse et de contrôle de qualité des produits alimentaires ;
- Rationalisation des coûts des facteurs de production ;
- Mise à niveau du système de formation technique agricole initiale et continue ;
- Amélioration de l’infrastructure logistique et de transport.